Paroles de témoins

Photo d'archive : famille en fuite durant l'exode de 1940

Suite à leur visite de l'exposition, des visiteurs ont tenu à nous faire part de leurs souvenirs sur l'exode ou à nous transmettre des témoignages écrits de leurs proches. Nous vous en présentons quelques extraits.

 Extrait du témoignage de Luce Auger (par la suite Luce Oudard), jeune Parisienne de 14 ans en juin 1940

On m’explique que Paris menacé va être de plus en plus dangereux et que je dois partir chez ma grand-mère à Bayonne (le sait-elle ?). Valise en mains, la loge bouclée, ma mère et moi allons trois jours de suite à la Gare d’Austerlitz où règne une pagaille sans nom. C’est la loi du plus fort qui joue pour traverser la cour envahie par la foule et pour accéder aux bâtiments de la gare. Nous échouons. Un communiqué par haut-parleur nous renvoie : il n’y a plus de trains ce jour. Nous pouvons rentrer chez nous.
Le troisième jour est identique aux deux premiers. Sous un soleil d’enfer, nous attendons debout pendant des heures et n’avançons pas dans la cour. En fin d’après-midi, un communiqué toujours par haut-parleur : Nous pouvons repartir, il n’y aura plus de trains. Les Allemands ont fait sauter les ponts sur la Loire. Pour ceux qui le souhaitent, des convois de péniches pourront, par les canaux du Centre, regagner la moitié sud de la France où ils trouveront « sans doute » des trains qui les conduiront plus loin, peut-être à Bayonne… !!
Nous reprenons le métro, ma mère et moi, et suivons les indications données. Nous nous retrouvons à Charenton ou Charentonneau ? Au bord du quai, flottent des péniches vides. Dans mon souvenir, il y en a beaucoup. Elles sont arrimées par trois l’une à côté de l’autre, formant une sorte de pont sur lequel on peut circuler. Le jour tombe. Personne ne parle dans la foule autour de nous. Ma mère avise une dame et lui demande de veiller sur moi, puis elle s’en va. La « dame » et moi ne nous parlerons pas pendant tout le voyage. Les mariniers nous font monter dans les péniches par une passerelle de planches que je franchis malhabilement avec ma valise. Nous descendons au fond d’une péniche qui a dû transporter du sable (ou du sel ?) et dont le plancher demeure humide.

Luce Auger

Extrait du témoignage de Marie Hedde, qui accompagne des enfants du XXe arrondissement de Paris et de Suresnes, partant en exode en juin 1940 depuis leur colonie de Toucy (Yonne)

Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 juin, un car arrive, ordre d’évacuation de la Préfecture de l’Yonne. Réveil des enfants, départ. J’accompagne avec la Citroën chargée de vivres sur le toit.
A la sortie du département, traversée de la Loire à Bonny, petit village près du pont ! Le car nous fait descendre, il nous a fait sortir du département, il est cinq heures du matin
On s’organise auprès du dépôt de ferraille et on trouve du lait chez des fermiers et du pain chez le boulanger mais impossible de rester si près du pont. Il n’y a pas de gare ! un convoi de camions militaires passe et nous prend jusqu’à Aubigny à l’Est à une trentaine de kms
Aubigny, samedi après-midi vide en pleine déroute. Accueil du maire : « je n’ai rien pour vous nourrir ni pour vous évacuer et j’ai 2 enfants perdus à vous donner ». On couche dans une école.

Marie Hedde