Eclairage sur une oeuvre : écouter Londres

radio

Un objet précieux à l’usage collectif

Ce poste de radio en bois haut de 48 cm et large de 30 cm est bien différent de ceux que nous connaissons aujourd’hui. C’est un objet à la fois imposant et précieux, que toutes les familles ne peuvent pas s’offrir (le prix d’un poste représente un tiers du salaire mensuel moyen). Disposé au centre de la pièce principale du foyer, c’est autour de lui que l’on se regroupe pour écouter ses émissions préférées mais également les informations. L’écoute de la radio est collective.

10 % des Français possèdent un poste récepteur en 1932, 56 % en 1939. Quant aux stations, leur nombre augmente également. Il y en a 4 en 1923 pour une trentaine en 1939. Avec cette augmentation les programmes gagnent en diversité. On écoute des concerts, les premières émissions de jeux et les bulletins d’information et de météo… Les étapes du Tour de France commencent à être retransmises. La radio représente pour ceux qui peuvent l’écouter une formidable ouverture sur le monde.

Les émissions en français de la BBC

Les postes récepteurs fabriqués à la fin des années 1930 sont capables de capter des ondes radio sur des distances de plus en plus importantes, qui couvrent l’ensemble du territoire français. Elles peuvent même capter des ondes par-delà la Manche. Il est donc possible d’écouter les émissions diffusées sur les ondes de la BBC, la station de radio publique anglaise, même si le crachotement et le brouillage sont importants.

L’expression de « radio Londres »  désigne plusieurs émissions en français qui n’ont pas toutes le même statut et n’entretiennent pas les mêmes rapports avec le général de Gaulle.

Il existe ainsi 6 bulletins d’informations en français diffusés chaque jour par la B.B.C. Le 18 juin 1940, le Général de Gaulle prononce son discours dans ce cadre.

L'émission en français de 20h15 comporte 3 rubriques :

Les nouvelles (10 minutes) : informations de la B.B.C. traduites en français.

« Honneur et Patrie » (5 minutes) : émission officielle de la « France Libre », dans laquelle parle le Général de Gaulle ou son porte-parole (Maurice Schumann).

« Les Français parlent aux Français » (30 minutes). L'émission ne dépend pas de la « France Libre », mais de la B.B.C. Des journalistes, chansonniers, acteurs proposent de l’information accompagnée d’humour et de spectacles dirigés contre l’occupation allemande de la France.

Une résistance passive

Ecouter Radio Londres n’est pas une activité sans risques. Le 14 août 1940, un ordre du chef de l'administration militaire allemande en France précise que « l'écoute des stations étrangères, de radio ainsi que la diffusion délibérée des nouvelles des stations étrangères est défendue. « Les contrevenants seront sévèrement punis ». Le 28 octobre 1940, une loi du régime de Vichy interdit l'écoute publique d'émissions « se livrant à une propagande antinationale ».

On peut être dénoncé à la police ou à la milice par des voisins. Cela se fait donc en prenant des précautions, rideaux tirés, son réglé au plus bas, chacun se penche sur le poste de radio.

L’écoute de Radio Londres ne fut pas d'emblée massive. En 1940/1941, l'accablement de l'opinion, la popularité réelle de Pétain, n’incitent pas les Français à capter les ondes de la BBC. C'est surtout à partir du second trimestre 1941 (la guerre devient mondiale, l'oppression se durcit en France, la réalité de la politique de collaboration conduite par le régime de Vichy est davantage perçue et la Résistance prend corps) que cette écoute augmente. Fin 1943/1944, elle est devenue une habitude quotidienne dans la majorité des foyers.

Beaucoup de Français qui ne se lancent pas dans la résistance active et n’appartiennent donc à aucun mouvement ou réseau écoutent clandestinement les émissions de la France libre sur les ondes de la BBC. Dans l’attente de la Libération, cela leur permet de contourner la propagande et la censure exercées par l’occupant. Ils se tiennent informés du déroulement des combats et prennent progressivement conscience de l’existence d’une résistance structurée. C’est tout l’enjeu de cette guerre des ondes.

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