Éclairage sur une œuvre : La condamnation à mort de Charles de Gaulle

Contexte

Le mois d’août 1940 correspond aux débuts de l’occupation allemande des parties nord et ouest du territoire français. Le général de Gaulle a gagné Londres dès le 17 juin. Il y crée la France libre pour organiser la résistance française à l’Allemagne nazie. Même si son appel du 18 juin 1940 a été peu entendu, il entend  conduire et incarner la poursuite du combat.

Fondé en 1923, Paris-Soir est devenu dans les années 1930, sous la direction de l’industriel Jean Prouvost,  le principal quotidien d’information publié en France. Il tire à 2 millions d’exemplaires au début de l’année 1940. Début juin 1940, Jean Prouvost quitte Paris avec une partie de la rédaction. Ils s’installent à Lyon durant l’automne. Mais les locaux parisiens du journal sont réquisitionnés par les Allemands qui font paraître leur propre Paris-Soir du 22 juin 1940 au 17 août 1944. C’est ce journal que vous avez sous les yeux, un journal entièrement contrôlé par les Allemands, qui peut être considéré comme allemand.

La propagande à l’œuvre

Cette une de journal permet de saisir quels étaient les différents objectifs de la propagande de l’occupant. Elle rend compte de la guerre européenne et mondiale du point de vue allemand (une manchette évoque le bombardement de la ville allemande d’Heidelberg par l’aviation anglaise, insistant sur le caractère inutile et absurde de cette attaque ; un communiqué fait le récit de victoires allemandes sur différents théâtres d’opérations). La propagande évoque également le retour à une vie quotidienne normale avec la photographie de cyclistes sur les boulevards parisiens. Il s’agit de montrer combien l’occupation allemande se passe bien. La une évoque enfin les causes de la défaite française de juin 1940, pointant la responsabilité des généraux et responsables politiques.

La condamnation « d’un traitre »

Cette une du 4 août 1940 annonce la condamnation à mort du général de de Gaulle par un tribunal militaire. Dans le texte, l’expression « par contumace » signifie que le procès s’est tenu en l’absence de l’accusé. Celui-ci se trouve en effet à Londres occupé à la poursuite du combat. Il s’agit du deuxième procès du général. Un premier a eu lieu à Toulouse au mois de juillet pour «refus d'obéissance et incitation de militaires à la désobéissance», le condamnant à quatre années d'emprisonnement et à cent francs d'amende. Début août, De Gaulle poursuit son travail de structuration de la France libre et incarne davantage encore la Résistance. Le régime de Vichy entend empêcher la diffusion de sa parole.

Il est désormais accusé de «trahison, atteinte à la sûreté de l'État, désertion à l'étranger en temps de guerre sur un territoire en état de guerre et de siège». Le procès se conclut par sa condamnation à mort. 

Le texte de Paris-Soir insiste sur la traitrise de de Gaulle et son alliance avec l’ennemi anglais, « une puissance étrangère ». Il prolonge en cela le discours tenu par le maréchal Pétain dès le mois de juin : le maréchal reste avec les Français pour mieux les protéger alors que de Gaulle s’enfuit auprès de l’ennemi britannique abandonnant la patrie à son sort. La presse sous contrôle allemand reprend ce discours qui a pour but de disqualifier le général.

Lorsque vous lisez cette une de Paris Soir, il faut avoir conscience combien il est difficile pour les Français de 1940 de recevoir d’autres informations que celles contrôlées par les Allemands et le régime de Vichy. Cela explique que l’entrée en résistance soit si difficile dans les premiers temps de l’Occupation.

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