Éclairage sur une œuvre : La Libération de Paris

Contexte

Le 25 août 1944 est considéré comme la date officielle de la Libération de Paris. Elle correspond à l’entrée dans la capitale des soldats français de la 2e division blindée (2e DB) commandée par le général Leclerc. La veille au soir, une avant-garde de la division, dirigée par le capitaine Dronne, avait déjà gagné l’hôtel de ville. Les résistants parisiens avaient commencé les combats le 19 août, les habitants de la ville érigeant des barricades à partir du 22. C’est ce même 25 août que le général de Gaulle proclame sur le parvis de l’hôtel de ville son fameux discours sur « Paris libéré ». Le lendemain, il prend la tête du défilé de la victoire sur les Champs Elysées, acclamé par les Parisiens.

Une presse clandestine qui se libère

Le journal exposé, intitulé Libération, correspond à Libération-Nord que l’on distingue de Libération-Sud fondée en zone non-occupée. Le premier numéro de Libération-Nord paraît le 1er décembre 1940, à l’initiative de Christian Pineau et Robert Lacoste, deux responsables syndicaux. Le journal est le point de départ de la formation du mouvement de résistance Libération-Nord. 190 numéros sont  ainsi sortis tous les dimanches, sans discontinuer sauf pendant un mois jusqu’en août 1944.

Il s’agit donc d’un journal de la Résistance, dont la fabrication et la diffusion se font de manière clandestine pendant toute la durée de l’Occupation. Les journées de la libération de Paris en août 1944 correspondent à la sortie de la clandestinité pour ces journaux. La presse se libère. Le dimanche 20 août des journalistes résistants occupent l’Office français d’information, agence de presse créée par le régime de Vichy pour contrôler les médias. Immédiatement des reporters parcourent la ville, stylo à la main, caméra à l’épaule, pour rendre compte des combats de la Libération. Les rédactions de plusieurs journaux sont également reprises et rapidement occupées par les rédacteurs des journaux clandestins de la Résistance. Combat, Franc-Tireur et Défense de la France s'installent dans les locaux du journal allemand Pariser Zeitung. Ils disposent désormais de machines, d’encre et de papier. Ils peuvent enfin paraître au grand jour, libérés de toute censure. Le Parisien Libéré, journal des résistants de l'Organisation civile et militaire (OCM), naît le 22 août, avec à la Une: « La victoire de Paris est en marche! » 

Les mots de la Libération

Un gros titre barre la Une : « Ils sont arrivés ! » Un titre court avec un point d’exclamation pour renforcer son effet. Il n’y a pas besoin de nommer les libérateurs que tout le monde attend : le pronom personnel « ils » suffit.

Le premier article, en haut à gauche, dramatise la « dernière nuit de combat », insistant sur les violences perpétrées par les derniers soldats allemands à occuper la ville. Ces derniers sont qualifiés de « fauves » et de « chacals », de « bête de guerre altérée de carnage », de « patrouilles carnassières à l’assaut des innocents de Paris ». Ce portrait largement animalisé participe à davantage mettre en valeur les libérateurs de la capitale française.

Ceux-ci sont tous nommés : le capitaine Dronne qui a précédé avec ses hommes le gros des troupes de la 2e DB, « les hommes du général Leclerc », le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, qui « va faire son entrée à Paris  », les Américains entrés dans la ville par la porte de Chatillon ainsi que, bien sûr, les FFI parisiens qui ont « mené leur dernier combat ». La une de journal dresse le portrait des libérateurs du pays dans leur diversité, rendant hommage à chacun.

Un encadré central évoque les hommages rendus par le roi d’Angleterre Georges VI et le président américain Roosevelt au peuple de Paris. Cela légitime le fait que le peuple parisien et par extension les Français ont participé à leur propre libération. Ces mots renforcent la légitimité du général de Gaulle à diriger le pays sans tutelle des alliés. Les Français doivent être considérés comme des vainqueurs de la guerre.

La photographie de liesse autour d’un char blindé, le dessin humoristique, l’évocation des cloches de Notre Dame qui sonnent pour saluer la Libération, l’annonce d’une célébration (« Parisiens vous pavoiserez bientôt ») donnent à cette page de journal une dimension de célébration. La joie se mêle à la violence des derniers combats, le temps de la fête approche.

La libération des mots précède de quelques heures celle de Paris.

Voir aussi